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Le blog de Patrick Allemand
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12 avril 2009

Lettre de Michel Vauzelle sur la réforme hospitalière HPST

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Madame, Monsieur,

L’Assemblée nationale a adopté le 18 mars dernier le projet de loi présenté par le Gouvernement, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Vous avez souhaité m’interpeller à ce sujet et souligner les graves failles que comporte ce dispositif législatif.

Comme vous, j’ai estimé que ce texte ne répondait pas aux enjeux que requiert la défense de l’hôpital public en France ; j’ai donc décidé de voter, comme l’ensemble des Députés socialistes, contre ce texte. A présent qu’il a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale et que la navette parlementaire est en cours avec le Sénat, je continue à demander une réécriture de ce projet de loi pour les raisons suivantes.

D’abord, le projet de loi HPST intervient après une suite de réformes successives qui ont toutes échoué. Les comptes de l’assurance-maladie n’ont ainsi cessé de se détériorer, jusqu’à dépasser un déficit de 22 milliards d’euros pour 2008. Les mesures prises en retour n’ont pas permis d’enrayer cette dérive, mais ont durement pénalisé les patients et l’accès aux soins : augmentation de la CSG, augmentation du forfait hospitalier, création des franchises médicales sur les consultations et les actes médicaux (1 euro) ainsi que les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires (50 centimes).

Ensuite, le projet de loi HPST consiste principalement à transformer l’hôpital public en une entreprise avec une logique de rentabilité. Il détruit en cela la notion même de service public, qui définit l’accès au système de soins comme un droit pour tous en tout point du territoire, la question de son financement relevant de la solidarité nationale et de la politique fiscale et budgétaire.

Il instaure une médecine à deux vitesses, en ouvrant à tous les établissements de santé, publics ou privés, la possibilité d’assurer tout ou partie des missions de service public. Cela revient à autoriser chaque clinique à choisir les domaines les plus lucratifs, remettant la charge des autres soins à l’hôpital public (aide médicale d’urgence, lutte contre l’exclusion médicale…). Qui plus est, cette proposition s’inscrit dans une logique générale de tarification à l’acte qui met en exergue l’activité et le productivisme, au détriment de la qualité des soins et du service public.

Par conséquent, l’application de ces dispositions n’aura d’autres effets que d’aggraver la fracture sanitaire et d’accentuer les inégalités dans l’accès aux soins, notamment d’ordre social et territorial. Ce texte omet également de préciser l’importance de la santé publique d’une part et de la prévention des risques d’autre part, dans la nécessaire amélioration de notre service public de santé.

Enfin, le projet de loi HPST passe à côté d’une amélioration potentielle du pilotage du système territorial de santé, en dévoyant l’idée des Agences Régionales de Santé. En effet, c’est au niveau des territoires et des bassins de vie que doivent se définir les besoins des populations et le déploiement de l’offre de soins correspondant, de sorte à procéder à un aménagement équilibré et responsable du territoire sanitaire. Une véritable démocratie de proximité pourrait jouer efficacement ce rôle, pour lequel les différents niveaux de collectivités assumeraient toute leur part, en pleine collaboration et en partenariat avec l’Etat et avec les représentants du monde de la santé. C’est cette idée de démocratie sanitaire qui est ainsi mise en échec par le projet de loi, qui n’associe suffisamment ni les collectivités, ni les professionnels de santé, au fonctionnement et au pilotage des futures ARS.

A rebours de ces options strictement comptables, il est temps de déterminer une réforme ambitieuse pour notre service public de santé. Il est possible de progresser, à la fois sur la question des moyens et sur celle des finalités.
                                                                                                                     
Concernant les moyens, il est clair que l’aggravation des déficits n’est pas une fatalité. De 1997 à 2001, une politique résolue en faveur de l’emploi et d’action structurelle sur les dépenses a permis une réduction significative du déficit, alors que dans le même temps des progrès importants étaient effectués, par exemple à travers l’instauration de la Couverture Maladie Universelle (CMU).

Concernant les objectifs, surtout, la notion de service public doit prévaloir sur celle de rentabilité. La santé publique doit être une priorité de l’Etat, au même titre que l’éducation. Un vrai plan de sauvegarde de l’hôpital public doit donc être mis en place, qui s’articule notamment autour de la révision de la tarification à l’activité, de l’épuration de la dette des hôpitaux, de la valorisation des professionnels de santé, du renforcement de la démocratie sanitaire auprès de l’usager, de la coopération entre établissements, …. Dans le même temps, il faudra lutter contre les déserts médicaux, notamment en développant la rémunération au forfait, renforcer la santé publique et la prévention, et territorialiser véritablement le pilotage du système de santé.

Par-dessus tout, notre service public de santé devra être soutenu et accompagné vers plus de justice et plus de solidarité. Cela signifiera la suppression des scandaleuses franchises médicales, mais aussi des niches sociales. Cela signifie aussi la garantie absolue d’un accès pour tous et partout à des soins de qualité. Ce sont les grands axes d’une réforme nécessaire et qui se situe malheureusement bien loin d’un projet de loi sans envergure, sans ambition et sans vision de ce que doit être l’hôpital public, aujourd’hui et pour demain, dans notre pays.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.


Michel VAUZELLE
député, président du Conseil Régional

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