Mon intervention sur le Débat d'Orientation budgétaire

Monsieur le maire, mes chers collègues,

Vous nous présentez un Rapport Orientation Budgétaire dans lequel vous nous annoncez une situation catastrophique des finances de la ville.

Or, vous ne pouvez pas affirmer en toute bonne foi que vous ignoriez cette situation même si vous organisez une communication habile autour de ce DOB pour justifier auprès des niçoises et aux niçois une
augmentation massive de leurs impôts locaux.
Vous ne pouviez pas ignorer cette situation sauf à être irresponsable.
Et vous cherchez délibérément à la noircir.

C'est ce que je retire de la lecture du rapport de la Chambre Régionale des Comptes qui pour moi est la seule autorité de contrôle des finances des collectivités locales qui fait foi, bien plus en tout cas qu'un simple cabinet d'audit privé.
Et ce n'est pas vous qui avez exercé tant de responsabilités éminentes dans ce pays, vous qui avez été 2 fois ministres qui pouvez mettre en doute la compétence de la Cour Régionale des Comptes.

Or que dit la Cour Régionale des Comptes en page 8 de son dernier rapport, porté à la connaissance des élus municipaux dans sa dernière version en juin 2007.
( lecture d'un extrait du rapport de la chambre régionale des comptes)

Dès juin 2007, vous étiez prévenu. C'est la preuve, s'il était besoin, que vous ne pouviez pas ignorer la situation financière au moment où vous avez berné les niçois avec des avalanches de promesses.

Vous saviez, parce que ce rapport l'indique, qu'à fiscalité constante il n'était pas possible d'investir plus de 50 millions d'euros par an.

Or vous avez promis aux Niçois solennellement, la main sur le cœur,que vous n'augmenteriez pas les impôts tout en accumulant semaine après semaine, les promesses inconsidérées.

• un grand stade : estimation 100 millions d'euros.

• les 2 lignes de tram : estimation au plus juste 350 millions pour la ligne 2 et 130 pour l'extension ligne 1 jusqu'à La Trinité.

• La construction d'un parc des expositions dans la plaine du Var : cela ne peut pas couter moins de 100 millions quand vous voyez que vous provisionnez pour réhabiliter en 2 tranches Acropolis 23 millions d'euros.

• L'arrivée du TGV à Nice avec une gare multimodale :Hors participation éventuelle de la ville à la ligne LGV elle-même, ce qu'on ne peut exclure, cela vaut environ 70 millions d'euros au minimum.

• Un port au large de l'aéroport : cout estimé entre 600 millions d'euros fourchette basse et 800 millions fourchette haute ;

• Un tunnel pour relier la fin de la voie Mathis à l'A8 : 100 millions d'euros

• 1500 logements sociaux par an : pour tenir ce rythme que vous avez promis, il faudrait investir au minimum 40 millions d'euros par an, soit 200 sur la mandature

• 800 places de crèches de plus sur la durée du mandat : ce n'est pas ce qui coute le plus cher environ 30 millions d'euros.

• Un grand équipement public multi activités à la gare du Sud :cela ne peut couter moins de 35 millions d'euros

Et depuis que vous avez été élu, vous avez continué dans cette voie en affichant de nouvelles promesses que vous n'aviez même pas mis en valeur lors de la campagne :

• La Piétonisation des Ponchettes

• Le réaménagement du Port actuel pour 160 millions d'euros tout de même.

• Les Jeux Olympique 2018 : pour l'instant on ne sait rien.

• La transformation des Abattoirs : c'est encore le flou mais cela ne coutera pas moins de 30 millions aussi, si vous voulez en faire un lieu comparable au 104 à paris.

• Le déménagement de la mairie au Palais Sarde qui ne relève dans ce contexte que de l'anecdote

• et de manière encore plus anecdotique mais tellement symbolique la construction d'un téléphérique entre Bon Voyage et le Mont Boron pour 10 millions d'euros.

Et vous avez été doublement irresponsable en annonçant tout cela sans même avoir connaissance des conclusions de l'audit sur le patrimoine de la ville que vous n'avez toujours pas en votre possession.

Vous aviez pourtant des informations alarmistes sur le sujet puisque votre 1er adjoint a lui-même évalué à près de 200 millions d'euros les travaux de remise à niveau de ce patrimoine, notamment en ce qui
concerne les écoles communales (maternelles et primaires), la mise aux normes réclamée par le préfet du tunnel Malraux et du tunnel sous le Paillon, la mise aux normes enfin des candélabres de la Promenade des
Anglais.

Si je mets tout cela bout à bout, et c'est ma part de vérité comme vous le dites si bien, j'arrive au total à environ 2.215 milliards d'euros de promesses d'investissements, sans compter l'OIN et les Jeux Olympiques.

En admettant que vous arriviez à maintenir un niveau d'investissement comme vous le préparez pour le budget 2009 à hauteur de 80 millions d'euros, cela veut dire que vous serez en mesure d'investir 400 à 450
millions sur les budgets de votre mandat.

Où allez-vous trouvez les 1,8 milliards manquants alors que pour maintenir ce niveau d'investissement à 80 millions, il vous faut augmenter dès la première année les impôts des niçoises et des niçois
de 15% ?

C'est à cette question qu'il vous faut répondre.

Cela me rappelle une fable de La Fontaine, ou je me permets de vous attribuer le rôle de la cigale. Monsieur Estrosi ayant chanté tout l'été, se trouva l'hiver venu, fort dépourvu !

Qu'à cela ne tienne, il y a la poche du contribuable.

15% de hausse! Vous qui avez le souhait d'être toujours le premier, eh bien cette fois-ci personne ne va vous le contester : vous êtes le champion, le champion toutes catégories de la hausse fiscale !

Je vous vois venir : vous allez me répondre qu'à la Région, en matière de hausse fiscale, nous n'avons de leçons à donner à personne, sauf que l'on ne part pas des mêmes bases : Pour 100 euros de fiscalité
locale, 5 euros vont dans les caisses de la Région, le reste se partageant entre la commune et le département. Lorsque nous avons augmenté les impôts pour compenser les transferts de charge que nous
imposait le gouvernement auxquels vous apparteniez, cela a coûté 7,5 euros par an au contribuable régional. C'est à dire grosso modo, une baguette de pain par mois.

La hausse d'impôts que vous faites subir aux niçois est d'une toute autre nature. Puisque cette hausse de 15 % représente pour une famille moyenne, propriétaire d'un 3 pièces, une hausse de près de 100€ (51
euros de TF + 43 euros de TH).

Faire cela en pleine crise économique, au moment où l'ensemble des clignotants passent au rouge et où personne ne peut encore mesurer les conséquences sociales que la récession aura dans notre département sur nos grands secteurs d'activités, notamment dans le tourisme, le tourisme d'affaire, secteurs particulièrement vulnérables en temps de crise, est indigne. Et au moment où le chômage remonte en flèche dans ce département prendre une telle mesure est socialement injuste car cela va toucher les plus petits, les plus fragiles.

Où donc trouver les 1,8 milliards manquants ?

- A la Communauté Urbaine bien sûr puisque c'est elle qui supportera la charge de la construction de la ligne 1 et 2 du tramway. Mais en ôtant cette somme, il manque encore près d'un milliard 300 millions.

- Bien sur au département. Il va vous aider mais la situation financière dans laquelle vous l'avez laissé à votre successeur ne laisse pas de grande marge de manœuvre.

- Bien sur la Région va vous aider mais comme vous le savez, elle a en charge six départements mais nous ferons ce que nous pourrons.
D'ailleurs récemment, vous avez remercié le président Vauzelle, à deux reprises pour l'attention toute particulière qu'il apportait à Nice et à NCA.

- Enfin, bien sur l'Etat va vous aider, à condition que vous ne vous fâchiez pas tous les jours avec un ministre.

Mais il en manquera toujours !

Il est peut-être temps de redescendre sur terre, d'établir des priorités, de convenir que vous avez vu trop grand, d'avouer aux niçois que c'est bien moins facile que ce que vous leur avez fait
croire.

Rappelez-vous les cent jours : la ville devait changer en 100 jours.

Puis plus récemment, une phrase du jour reprise par Nice-Matin : « Je pensais changer les choses en 8 mois, il me faudra 1 an et demi ».

Pour en arriver finalement lors de votre dernière conférence de presse à annoncer qu'il faudra lisser ces investissements sur deux mandats.

Vous êtes passé de 1 an et demi à 12 ans en quelques semaines !

Je me permets de vous rappelez un détail : c'est que le peuple de Nice vous a pour le moment confié les clés de cette ville pour 6 ans.

Alors vous indiquez que vous allez faire des économies.
Lorsque l'on regarde vos orientations budgétaires dans le détail on s'aperçoit qu'il y a un décalage extraordinaire entre l'affichage et la réalité. Autant vous dire que je ne partage pas les priorités.
Première cible bien sur, les fonctionnaires municipaux.

Vous annoncez une cure d'amaigrissement pour le personnel municipal avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Et vous annoncez une politique d'économies avec une révision
générale des politiques communales, une RGPC une de vos créations, la petite sœur de la RGPP gouvernementale si chère au cœur des fonctionnaires et des syndicats.

Mais vous prenez soin de préciser que certains secteurs ne seront pas touchés.
Vous annoncez le recrutement de 100 policiers municipaux supplémentaires. J'y souscris.
Vous annoncez le recrutement d'agents pour les crèches : c'est mécanique parce que vous allez en ouvrir trois.
C'est donc tous les autres secteurs de la mairie qui vont être touchés.
Quelles vont être les conditions de travail des employés municipaux à qui vous aviez, à eux aussi, tant promis durant la campagne?
Quel sera le niveau de service public municipal que les niçoises et les niçois sont en droit d'attendre.

Je lis dans ce document d'orientation budgétaire que vous entendez mutualiser des services entre la Ville et la CANCA, notamment les affaires juridiques, les ressources humaines, la commande et les marchés publics.

Le souci est louable mais là encore vous êtes le premier : c'est la première fois que je vois ça !

Nous avons là le symbole d'une toute puissance revendiquée, rêvée, puisque dans un tel cas les services ne sont plus rattachés à l'institution, à la collectivité territoriale concernée, mais à un homme.

Vous avez tout de même conscience, en dehors des questions de légalité à creuser, que ça repose sur une hypothèse : que le maire de Nice soit ad vitam eternam le président de la communauté urbaine.

Outre le fait qu'en faisant une telle proposition vous considérez les communes partenaires de la communauté urbaine comme des territoires colonisés, vous savez que les « accidents démocratiques » sont vite arrivés. Que se serait-il passé dans les Bouches du Rhône si la mairie de Marseille et la communauté urbaine avaient eu le même service des ressources humaines lorsque 17 conseillers communautaires de droite ont décidé de porter à leur tête un socialiste ?

Où allez-vous faire des économies aussi drastiques ? C'est aujourd'hui que vous devez le dire.

Sur les territoires peut-être. Une des rares initiatives de la municipalité précédente que nous avions approuvée parce qu'elle donnait plus de proximité au service des usagers.

Mais n'oubliez pas de dire que si vous êtes obligé de faire ces économies de fonctionnement pour retrouver des marges d'autofinancement, ce n'est pas la faute des fonctionnaires municipaux, c'est la faute de la politique gouvernementale menée à l'encontre des collectivités territoriales.

Parce ce que ce que vous passez politiquement sous silence : c'est le désengagement de l'Etat, le fait que la loi de finance depuis 2005 a modifié le calcul de la dotation globale de fonctionnement qui est affecté aux communes. Elle était au préalable majorée chaque année du taux de l'inflation auquel s'ajoutait la moitié du PIB. Désormais, elle est indexée sur l'inflation prévisionnelle, Tout cela relève de la responsabilité politique de vos amis du gouvernement.

Alors bien sûr dans ces conditions l'autofinancement baisse, il était de 202 millions en 2006 et de 42 millions en 2008, ce qui correspond à une double chute de 30 millions d'euros.

Dans ce contexte difficile, vous affichez des priorités : la sécurité, le logement, l'embellissement de la cité et vous nous indiquez que tout ceci est calqué pour s'inscrire dans le plan de la relance
annoncé par Nicolas SARKOZY.

Mais en fait, il ne s'agit que d'un affichage dont les priorités sont discutables.

Vous annoncez six plans d'actions et vous placez en premier la sécurité, avec plus de 7,5 millions d'euros d'acquisition de matériel de vidéosurveillance.

Parallèlement vous prévoyez d'investir 11 millions d'euros dans le logement.
Cet investissement apparaît faible compte tenu de l'urgence de lasituation, mais en plus il ne reflète pas la réalité car les documents que vous nous avez transmis sont malgré tout assez précis pour comprendre le mécanisme subtil par lequel vous avez travesti la réalité des chiffres des constructions de logements sociaux neufs.
Car sur ces 11 millions ,2.7 millions d'euros seront consacrés à la poursuite des opérations ANRU(démolition/reconstruction), 1.8 millions d'euros pour les copropriétés du Rouret, 2 millions d'euros pour les
nouveaux prêts à taux zéro – que je considère comme une bonne mesure pour tenter de soutenir le bâtiment).

Et lorsque l'on déduit tout ceci des 11 millions d'euros affichés,combien reste-t-il pour la construction de logements neufs supplémentaires ?

La réponse est 4.5 millions d'euros. C'est-à-dire qu'en pleine période de crise, à un moment où les impayés de loyer ont atteint un niveau record du fait de la dureté des attaques contre le pouvoir d'achat,
vous allez consacrer dans la 5ème ville de France 4.5 millions d'euros à la construction de logements sociaux neufs contre 7.5 millions d'euros consacrés à des caméras de surveillance.

Et vous prévoyez de construire l'année suivante un téléphérique à 10 millions d'euros, ce qui représente plus de deux années de construction de logements.

Vous comprenez bien que je ne peux pas être d'accord.

Je ne peux pas être d'accord parce que je suis porteur dans cette assemblée municipale d'un projet, validé par 33% des niçois, qui plaçaient le logement comme priorité numéro une. Et je constate à la lecture du récent sondage SOFRES, que les niçois continuent de place le logement en tête de leurs attentes. Eh bien, avec 4,5 millions d'euros, vous n'êtes franchement pas à la hauteur.

Bien sur vous me direz que ce sondage indique que 66% des niçois considère votre action comme plutôt positive. C'est peu au regard de tout ce que vous leur avez promis. Vous savez je suis quelqu'un de patient et de tenace. Avec toutes ces promesses c'est un peu comme si vous étiez assis sur un tas de neige. Il me reste à attendre patiemment que les niçois ouvrent les yeux, à attendre patiemment que le tas de neige sur lequel vous êtes assis fonde lorsque le soleil sera revenu.

Lisez bien ce sondage, rééquilibrez vos choix.

Ils veulent des équipements de proximité, ils veulent à 54 et 53% la ligne 2 du tramway et l'extension de la ligne 1 jusqu'à La Trinité.

Écoutez-les.

Réduisez la voilure sur le grand stade, qui n'est jugé prioritaire que  par 28% d'entre eux. J'y reviendrai au cours de la délibération 1.9

Repensez le projet de rénovation du Port, jugé nécessaire par 26% d'entre eux, ou alors dites leur que c'est pour solde de tout compte parce que vous n'aurez pas la capacité financière de faire le Port au large de l'aéroport.

Vous dites toujours que vous aimez les niçois, prouvez le.
Respectez-les. Dites leur non pas votre part de vérité mais la vérité.

C'est ce que je me suis efforcé de faire, d'apporter une contribution utile au nom de notre groupe «Changer d'ère » à notre réflexion collective sur ce débat d'orientation budgétaire et je vous remercie de la courtoisie républicaine avec laquelle vous m'avez écouté.

Comments

[philippe]

Je fais partie de ces gens de gauche qui ne comprenant pas la querelle Allemand-Mottard a glissé au second tour un bulletin Estrosi après avoir voté Mottard au premier.
Je regrette mon choix.
-vous êtes un opposant efficace dans un contexte plus difficile et je vous pense honnête contrairement à certains de vos amis.
-Estrosi est vraiment de droite. Vous n'insistez pas suffisamment sur le fait qu'il mette plus d'argent sur les caméras que dans le logement social. C'est un point fort de votre discours. Diffusez cette information le plus largement possible.