L'éxonération des droits de succession : un mirage qui nous a fait mal
Et pourtant, elle n'aurait jamais du faire mal à la gauche.
Interrogé sur Europe 1, François Fillon a annoncé que la proposition de Nicolas Sarkozy de supprimer 95 % des droits de succession serait mise en place dès l’été.
La suppression de 95% des droits de donations et de successions pour tous les patrimoines « petits et moyens » dans le but de « transmettre le fruit du travail de toute une vie » en franchise d’impôt est une supercherie qui masque en fait une mesure profondément injuste.
En effet, l’abattement principal, aujourd’hui fixé à 76.000 euros, est cumulable avec celui dédié aux enfants, à concurrence de 50.000 euros par enfant. Dans un pays où la succession moyenne est de 100.000 euros, ce dispositif exclut d'ores et déjà près de 90% des transmissions entre époux et 80% en ligne directe de toute imposition.
La proposition Sarkozy-Fillon exonèrerait donc la quasi-totalité des 15% des Français les plus fortunés du paiement de cet impôt. Mais le problème c'est qu'une grande partie de ces 15% se trouvent chez nous.
Pourquoi cette mesure nous a fait si mal dans les AM et plus généralement dans la région PACA? Tout simplement parce que le haut niveau de l'immobilier fait que chez nous, les successions n'ont pas la même dimension. A Nice, un enfant avec 126 000 euros est au maximum exonéré de droits sur un studio! Ainsi beaucoup de personnes âgées, en toute bonne foi, ont choisi Sarkozy pour cette raison.
Mais en fait toutes ces personnes qui ont un petit patrimoine d'environ 200 000 euros sont souvent des salariés moyens, ou même des petits salariés qui en ont déjà hérités (les autochtones). Cela viennent de voter pour un mirage. En effet, la baisse générale du niveau des pensions de retraites combinée à l'allongement de la durée de vie fait que la plupart d'entre nous, sauf accident ou longue maladie, finiront leurs jours en maison de retraite.
Or notamment dans ce département, la maison de retraite est un créneau marchand extrêmement porteur. C'est un secteur qui recueille à plein les bénéfices d'une politique de droite. C'est à dire que l'on a construit peu de maisons de retraite publiques, laissant ainsi au secteur privé à but lucratif la part majeure du gâteau. Les prix s'envolent et il n'est pas rare de payer 3000 euros par mois une place.
Très peu de gens ont le niveau de retraite nécessaire. Les biens immobiliers sont donc souvent hypothéqués quand les descendants n'ont pas les moyens de payer et c'est ainsi que le capital fond comme neige au soleil. Dans les années à venir de plus en plus de gens, bien malgré eux, laisseront des dettes.
Au prétexte de favoriser les fruits du travail, l’UMP veut favoriser l’héritage et la rente. Sachant que 10 % des ménages détiennent déjà 50% du patrimoine, une telle proposition conduirait à l’explosion des inégalités. Car en fait ce sont ceux là qui seront les principaux bénéficiaires de cette mesure: les plus riches. ceux qui parviendront à financer leur fin de vie sans toucher à leur capital. c'est ce qui rend cette mesure encore plus injuste.
Cette mesure serait par ailleurs très coûteuse : elle priverait en effet le budget de l’État de près de cinq milliards d’euros par an, au moment où il est impératif de diminuer la dette et de financer des efforts en matière de recherche, d’éducation et d’innovation.
Très objectivement, le maintien de droits pour les grosses successions est une nécessité de justice fiscale. Leur suppression reviendrait à abandonner la lutte contre les principales inégalités.