DSK à Nice : rupture ou renoncement ?
250 personnes à Nice hier soir pour accueillir DSK pour une soirée sur le thème "comment lutter contre la précarité?"
Bien entendu, son côté très pédagogue est apparu une fois de plus. Beaucoup de thèmes ont été balayés dans une intervention initiale de 45 minutes.
Il s'est longuement attardé sur les 4 crises traversées par la majorité parlementaire en un an :
- le référendum et la victoire du non,
- les banlieues,
- le CPE,
- l'affaire Clearstream
Il a par ailleurs longuement évoqué la question de la responsabilité. Ce ne sont pas les idées qui manquent chez les socialistes mais les moyens de les financer. Ne promettre que ce qui est tenable pour ne pas décevoir à nouveau, se livrant au passage à une critique de notre exercice passé du pouvoir.
Mais c'est la façon de traiter la logique de rupture pronée par Sarkozy qui m'a paru être une approche politiquement interessante. Pour DSK, la rupture chez Sarkozy, c'est le renoncement à notre modèle social français. C'est trop dur de garder notre modèle social alors il faut l'abandonner et se coulur dans la mondialisation. C'est trop dur de faire vivre la République, alors réformons la loi de 1905 et allons vers le communautarisme. C'est trop dur de bien former tous les jeunes, alors développons l'apprentissage dès 14 ans.
Je pense que c'est une piste intéressante à développer pour disqualifier le discours du Ministre de l'Intérieur. Faisons passer l'idée que la détermination de façade cache en fait le renoncement à ce que la France est et qui nous permet d'occuper encore une place de premier plan dans le monde.
Il y avait beaucoup de nouveaux militants à cette réunion. Peu d'anciens. Je suis convaincu que les anciens pour des raisons tenants à leur histoire dans le parti, à leurs fidélités, ont déja leur idée sur la question de notre futur candidat. les nouveaux, eux, sont en demande d'informations, c'est évident.
Pour les plus courageux, vous pouvez en supplément lire le discours d'accueil que j'ai prononcé à cette occasion
ACCUEIL DE DOMINIQUE STRAUSS-KAHN
31 mai 2006
Intervention de Patrick Allemand
Premier Secrétaire fédéral
J’ai le plaisir d’accueillir ce soir Dominique Strauss-Kahn, Député, ancien ministre des finances de Lionel Jospin.
Dominique, je t’accueille ce soir au nom des élus, au nom de tous les militants socialistes des désormais 2150 militants socialistes de cette Fédération.
Pour résumer ton parcours à Bercy, je dis toujours : « Depuis que je m’intéresse à la politique, il a été le seul ministre des finances qui a fait de son portefeuille un instrument au service d’une politique et qui ne s’est pas comporté comme un expert-comptable ».
Quand je dis ça, c’était avant ceux-là qui depuis 2002 se succèdent à Bercy. Eux ce ne sont même plus des experts-comptables. Ils ne font que creuser des déficits abyssaux. Je vous le dit, s’ils avaient été embauchés en CPE dans le privé, ils n’auraient pas fini la période d’essai.
Nous avons donc choisi pour cette soirée un thème : Comment lutter contre la société précaire ?
Cette question, nous n’en doutons pas, sera au cœur de la prochaine élection présidentielle.
Nous avons l’impérieuse nécessité d’y répondre tant la société se délite autour de nous. Nous le devons, au nom de l’éthique que nous portons, au nom de nos valeurs, au nom des socialistes, mais aussi tout simplement au nom du pragmatisme et du réalisme électoral.
Car derrière la montée de la précarité, il y a la radicalisation des choix électoraux des milieux populaires depuis le début des années 90. Ce sentiment d’abandon de la part des institutions et de l’Etat, vécu par ces populations, provoque une colère qui ne se traduit plus majoritairement par un vote à gauche, alors que la gauche a traditionnellement porté les aspirations des « salariés » et des plus démunis.
Ils ne sont plus notre électorat naturel.
Si nous voulons les reconquérir, il faut leur parler de leurs problèmes, de leurs questions, de leurs peurs.
Et là où il y a peur, notre mission est de redonner la confiance. Il faut cesser de nier un certain nombre de réalités à partir desquelles s’élaborent les opinions et les votes des milieux populaires.
1ère réalité :
C’est qu’il continue d’exister une classe populaire. Il y a aujourd’hui en France deux fois plus d’ouvriers que de cadres.
Mais les salariés, les ouvriers d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec leurs aînés. Il est entrain d’émerger un « prolétariat des services ». Ceux qui le composent ont en commun des conditions de travail, des salaires et une insécurité professionnelle comparable.
2ème réalité :
C’est le caractère massif de cette insécurité professionnelle. Les milieux populaires concentrent une grande portion des salariés précaires et des chômeurs de ce pays : 40% des milieux populaires sont au chômage ou en situation de précarité.
3ème réalité :
La France des petits salaires, des temps partiels subis, des contrats de travail éphémères, du chômage et des allocations sociales diverses, cette France des quartiers, des HLM, des quartiers de relégation est surexposée à la violence quotidienne, aux incivilités, à la délinquance, comme elle l’est à l’insécurité professionnelle.
Plus généralement, c’est à tous les maux de la société française que ces milieux sont « surexposés », et le tout alimentant une « tentation xénophobe généralisée ».
Tous ces gens ne sont même plus dans une perspective de progression sociale mais de résistance.
Ils sont au cœur du désir de rupture avec le système.
Car la crise qu’ils vivent est la trahison de la promesse républicaine.
C’est sur le thème de la résistance au libéralisme que nous avons gagné avec Michel Vauzelle en 2004, en région PACA parce que notre discours est apparu différent du discours politique traditionnel, souvent assimilé à un discours d’impuissance.
S’il n’y a pas quelqu’un de neuf ou qui apparaisse comme neuf, ou porteur d’un discours neuf, les milieux populaires referont en 2007 un choix marqué par la radicalité, dont l’extrême droite est la première bénéficiaire.
Le 21 avril 2002 Le Pen est arrivé en tête dans l’ensemble du salariat, le 29 mai 2005, le NON est arrivé également largement en tête parmi les classes populaires.
Il n’y a pas dans l’électorat populaire de dépolitisation. Bien au contraire. Il vote autant que les autres quand l’élection s’avère importante. Quant à l’abstention, elle est un choix et non une habitude.
Ce que les milieux populaires attendent aujourd’hui ce n’est pas un retour en arrière, ce n’est pas la négation de la mondialisation qui s’impose à tous, c’est que l’Etat leur permette de redevenir des citoyens à part entière avec un statut social qui demeure fondé sur la valeur du travail.
Cette attente se traduit par une demande de protection, et d’actions publiques dans les domaines clés de l’emploi, de l’école, des services publics, de la sécurité, du logement, de l’intégration, au nom des valeurs républicaines.
Nous avons, Dominique :
- sur la question de la précarité, une responsabilité très forte.
- sur la nécessité d’un projet novateur en ce moment même, une ardente obligation.
- sur la question des personnes, une sérieuse réflexion à mener à l’automne.
C’est globalement une demande de neuf qui nous est adressée. On ne regagnera pas avec la promesse de nouveaux emplois-jeunes, même si tout le monde déplore leur suppression.
Ce désir de rupture avec le système est trop fort. D’autant qu’il gagne les classes moyennes. Elles sont en pleine « désagrégation », une partie d’entre elles connaissent de plus en plus des conditions de vie et de travail également marquées par l’insécurité et la précarité. Une partie d’entre elles est en voie d’appauvrissement car leur taux d’équipement induit une hausse constante de leurs charges fixes du fait des multiples hausses des carburants, mais également de l’EDF.
Si nous ne répondons pas à cette peur de l’avenir, le glissement d’une partie des classes moyennes vers des votes proches de ceux des milieux populaires qui a commencé à s’opérer le 29 mai 2005 pourrait se poursuivre.
Si nous ne répondons pas à cette aspiration, et c’est le délégué national à la lutte contre l’extrême droite qui le dit, il n’est pas exclu que 2007 soit le prolongement de 2002 et de 2005.
Merci à toi Dominique, au moment où collectivement, de bas en haut et de haut en bas, du simple militant aux membres de la commission nationale du projet, toute la maison socialiste réfléchit, de contribuer à faire vivre le débat et de demeurer dans la grande tradition de Mendès-France et de Michel Rocard cet homme d’idées qui amène tant à notre intelligence collective.