Lettre ouverte aux camarades de la motion C
Cher(e) camarade,
Tu as voté pour la motion C le 6 novembre dernier et pour Benoit HAMON, hier soir.
Ce choix est tout à fait respectable et honorable. Il correspond à l’héritage d’une tradition politique majeure au sein du PS.
La ligne que tu as défendue est claire, la campagne que tu as menée dans nos fédérations a été propre et ton courant est représenté par deux dirigeant de grande de qualité.
Il y a Benoit HAMON, le « quadra », expérimenté puisque formé, il y a plus de 20 ans à la même école que moi, les clubs « Forum » de Michel Rocard avec Manuel VALLS et tant d’autres. C’es l’homme du MJS autonome. C’est le cofondateur du NPS. Sa volonté de rénovation est une constante et nul ne peut contester qu’il est la révélation de cette campagne interne.
Il y a aussi Henri EMMANUELLI, l’ancien, que je considère comme un grand monsieur, car la grandeur se mesure aux actes. Et trois dans son parcours politique m’ont marqué.
En 1995, Henri est notre 1er secrétaire. Il est candidat à la candidature pour l’élection présidentielle. Les militants choisissent Lionel JOSPIN qui accède au second tour mais s’incline face à Jacques CHIRAC en recueillant 47% des voix. Henri en prend acte et, le lendemain, remet à Lionel les clefs du Parti. Il en eu le courage. François HOLLANDE ne l’a pas fait au soir du 6 mai 2007.
Trésorier du Parti Socialiste dans les années 80, Henri fut par ailleurs condamné à l’inéligibilité. Il a payé seul des pratiques qui étaient collectives, pour ne pas dire généralisées, mais jamais il ne s’en est plaint publiquement.
Il a une nouvelle fois montré des qualités rares en politique en passant la main le plus naturellement du monde avant le congrès de Reims. Peu de responsables politiques sont capables de cela.
Tout ceci pour te dire que j’ai la plus grande estime pour la ligne politique et les hommes sur lesquels s’est porté ton choix.
Mais tu t’en doutes, si je t’écris aujourd’hui, c’est que je souhaite te parler de l’importance que revêt pour nous tous le vote de ce soir.
C’est toi qui a en main, au bout de ton bulletin de vote, le destin du Parti et celui de la gauche. Ta responsabilité est immense.
Comme Bertrand DELANOE, lundi soir, Benoit HAMON a appelé à voter pour Martine AUBRY en prenant néanmoins le soin d’expliquer qu’il n’était pas propriétaire des voix de ses électeurs, c’est à dire qu’il les laissait libre de leur choix.
Il y a plusieurs manières de lire le résultat d’hier soir.
La première est une lecture purement arithmétique, et elle est favorable à Martine AUBRY qui pourrait au jeu des additions l’emporter avec 57% des voix.
Mais la dynamique politique défie constamment l’arithmétique, le vote d’hier soir en a apporté une nouvelle démonstration. Mathématiquement, Martine aurait dû l’emporter dès le premier tour, car le total des voix de Bertrand et des siennes atteignaient les 50%. Or, elle n’a obtenu que 34% ! Tout le monde le passe sous silence pour minimiser l’événement, mais c’est tout de même un échec retentissant.
Ce score n’est pas imputable à sa personne, loin de là. J’ai un temps été l’animateur de ses clubs AGIR, lorsque je pensais que la rénovation pouvait passer par elle, après le Congrès de Liévin. Si elle n’est qu’à 34% c’est qu’elle symbolise le vieux Parti dont les militants ne veulent plus.
Tu dois avoir cette donnée à l’esprit en analysant ces résultats.
Certes, on peut considérer que 57% des militants ne veulent pas d’une alliance au centre, mais il n’en a jamais été question. Maintenant que le Congrès est terminé, cessons ce faux procès fait à Ségolène ROYAL depuis le début du Congrès.
Je te rappelle une « énième » fois le leitmotiv de la motion E :
1/ On rassemble les socialistes.
2/ On s’adresse à toutes les composantes gauche et on rassemble le plus largement possible.
3/ Sur la base d’un projet commun, on s’ouvre ensuite aux démocrates, aux défenseurs de la laïcité et des services publics pour mettre fin au Sarkozysme.
Il n’y a rien d’autre dans notre motion.
Et ne sombrons pas dans les raccourcis simplistes du style 70% des militants ont refusé l’alliance avec le Modem. Ce serait un débat stérile de plus, car on pourrait dire qu’il n’en reste plus aujourd’hui que 57%, ce que je ne crois pas.
Tu peux aussi lire ce résultat autrement et voir que 66% des militants ont clairement indiqué qu’ils voulaient la rénovation, soit les deux tiers. C’est un chiffre impressionnant, sans précédent. Peut-on continuer à ne pas le voir et à maintenir coûte que coûte le couvercle de la « cocotte-minute » fermé ? Peut-on maintenir notre confiance dans un fonctionnement et une génération politique qui nous ont conduit à la situation actuelle ?
Si tu te poses cette question, ce soir, tu dois voter pour Ségolène ROYAL. Cela n’entachera en rien ta loyauté envers Benoit HAMON et les idées qu’il a défendues.
Je te demande de réfléchir à l’après 21 novembre. Comment ce Parti va-t-il être dirigé si Martine AUBRY gagne ? Imaginons même qu’elle fasse entre 51% à 55%. Le parti sera ingouvernable pour les raisons suivantes.
Il y aura en face une minorité, très forte, capable de réunir près la majorité seule contre tous, Soudée par un projet, cimentée par un Congrès, par une vision de la rénovation du Parti, une vraie génération politique est née.
En face, il y aurait une majorité totalement hétéroclite, ingouvernable car qu’y a-t-il de commun entre
- un Michel ROCARD, qui préconisait l’alliance avec le MODEM avant le 1er tour de l’élection présidentielle et un Gérard FILOCHE aux petits soins pour Olivier BESANCENOT ?
- Un Laurent FABIUS et un Lionel JOSPIN, à l’origine de tant de haine au sein de notre parti depuis le Congrès de Rennes ?
- Une Marie Noëlle LIENEMANN « Noniste » convaincue et un Jack LANG, grand défenseur du traité constitutionnel et qui est celui qui, en mêlant sa voix à la droite, a permis à Nicolas SARKOZY de faire passer sa réforme constitutionnelle. - Un Laurent FABIUS (encore lui !) défenseur des baisses d’impôts et créateur de la prime de l’emploi et un Henri EMANUELLI, qui a toujours considéré que ces politiques constituaient une escroquerie politique au détriment du pouvoir d’achat par le salaire ?
Voilà le visage de la future majorité du Parti si Martine AUBRY gagne. Aucune cohérence. C’est tout simplement effrayant.
Et Benoit HAMON noyé la dedans, qui serait l’otage de tout cela.
Je te propose un autre choix, une autre perspective politique.
Vote Ségolène ROYAL, et fait de Benoit HAMON son principal opposant. Ouvre à l’une et à l’autre un véritable espace politique parce que c’est entre eux deux que doit s’organiser le seul débat politique qui vaille.
Je suis en outre convaincu qu’ils sont capables de s’entendre sur une gouvernance du parti qui ne bloque pas son fonctionnement et qui soit garante de sa rénovation, sans renoncer l’un ni l’autre à leurs options fondamentales.
En fait, ce que je te propose, c’est de faire du Congrès de Reims, l’Epinay des militants, parce que nos dirigeants n’ont plus la force de le faire eux-mêmes.
Avec mes amitiés socialistes.
Patrick ALLEMAND