Un 1er mai qui laisse une impression bizarre
Hier à Nice, nous avions rendez-vous à 10 heures devant le Centenaire, sur la Promenade des Anglais. A l'heure dite, le moins que l'on puisse dire est qu'il n'y avait pas foule, puis c'est arrivé doucement. Quand le cortège s'est ébranlé, je dirai entre 2000 et 2500 personnes.
Peu de "sono", pas de ballons, comme si une chappe de plomb recouvrait le quai Rauba Capeu où quelques rares slogans s'échappaient dans la mer. Un peu comme si les résultats du premier tour avaient assommé la gauche dans le département des AM.
D'ailleurs, il y a des signes qui ne trompent pas. La grande gentillesse de plusieurs élus ou responsables syndicaux. Leur disponibilité à venir au dernier meeting de Ségolène Royal. Le très bon accueil du tract pour le dernier meeting de campagne pour demain soir, y compris dans les rangs de certains syndicats où, en général, les papiers du PS ne font pas trop recette. Beucoup de militants communistes m'informant de leur volonté de venir à la salle Athéna.
Tout cela me laissait perplexe et je me disais que décidemment tout se perd, y compris cette si belle tradition du 1er mai. Je me rappelai aussi le 1er mai entre les deux tours de 2002, ce nombre incroyable dans la rue pour appeler à faire barrage à Le Pen et je me disais que si cette élection avait fait barrage à l'homme, ses idées n'avaient jamais été aussi banalisées.
Pourtant si l'on y regarde de près, de nombreuses thématiques justifiaient une mobilisation. Rien qu'une déja, répondre à la charge de dimanche soir de Nicolas Sarkozy contre Mai 68. Pourtant notre pays, son histoire syndicale est peuplée de dates références qui ont abouti à nos grandes conquêtes sociales, qu'il s'agisse de la semaine de 40 heures, des congés payés, de la sécurité sociale, du principe des retraites par répartition.
Mai 68, cela a été plus compliqué car il y avait aussi beaucoup de questions sociétales demeurées bloquées trop longtemps qui ont trouvé leur aboutissement à ce moment là. Mais c'est un mouvement émancipateur d'une ampleur extraordinaire et c'est cela que deux jours avant Nicolas Sarkozy remettait en cause.
Certes, le défilé était très clairement orienté vers le "Non à sarkozy" mais où étaient les dizaines de milliers d'anonyme présents dans la rue le 1er mai 2002? Pourtant les enjeux sont très importants. Il faut sauver le code du travail que sarkozy s'apprête à démanteler s'il est élu, mettre de l'ordre dans la rémunération des actionnaires, trop déséquilibrée par rapport à celle du travail. Il faut être vigilant face aux attaques que subirait le droit de grève si Sarko est élu, sans parler des services publics qui vont être désossés, un fonctionnaire sur deux n'étant pas remplacé.
Il nous reste encore 4 jours pour que l'ensemble des salariés se saisisse de ces enjeux. Jusqu'au bout, il ne faudra pas renoncer car nous pouvons encore gagner, j'en suis convaincu.
Et puis, ce 1er mai ne s'est il pas achevé par une apothéose à Charlety, ce stade emblématique pour la gauche, qui a connu précisement de si grands rassemblements en mai 68. 60000 personnes venues pour le dernier meeting de campagne de Ségolène Royal. Un bien énorme pour tout le monde. Elle aussi a parlé du 1er mai et de mai 68. Voici les deux extraits de son discours. Je vous propose également de découvrir la première partie du discours. Pour les trois autres parties, vous pouvez cliquez ici : 2/4, 3/4, 4/4
A propos du 1er mai:
"Il y a plus d'un siècle, aux Etats-Unis, à Chicago, des ouvriers en grève furent sauvagement réprimés ; certains furent tués par balles et d'autres plus tard jugés et pendus ; c'était le 1er mai 1886. Cinq ans plus tard, six jeunes gens furent tués par balles dans une ville minière du Nord de la France lors d'une manifestation cruellement réprimée à Fourmies. Ils avaient entre 16 et 20, c'était le 1er mai 1891. Depuis ce jour, ces jours… ces deux jours et à l'initiative de la deuxième Internationale socialiste, les travailleurs, les salariés du monde entier, toutes appartenances politiques ou confessionnelles confondues, quand le droit le leur permet, ne travaillent pas ; ils manifestent ou ils se reposent ; ils font la fête en famille comme ce soir ici à Charléty. Et ils se souviennent et ils n'oublient jamais l'histoire du 1er mai. Voilà l'une des raisons pour lesquelles nous sommes là ce soir sans esprit de revanche mais tout simplement parce que nous savons ce que nous devons pour nos libertés à ceux qui nous ont précédé et qui ont donné leur vie pour qu'aujourd'hui les travailleurs soient libres, puissent manifester et puissent revendiquer le respect qui leur est dû. Car c'est évident, l'histoire n'est pas une bande dessinée où tout se vaudrait, où tous les mots seraient permis et où on peut dire n'importe quoi. Je ne ferai pas, moi, de discrimination entre ceux qui se lèvent tôt et les autres parce que je sais combien il y en a qui se lèvent plus tard parce qu'ils travaillent tard et même la nuit comme ces infirmières que j'ai vues récemment. Et puis il y en a qui font semblant de se lever comme ce père de famille que j'ai rencontré dans les débats participatifs, qui est au RMI mais pour que son fils n'ait pas honte, il fait semblant le matin de se lever et de prendre les transports en commun pour faire croire qu'il a un travail. Et moi je veux une France qui donne du travail à tous et à chacun. C'est cela la défense de la valeur travail ! Car l'histoire a des permanences qu'il faut rappeler et ces jeunes gens du Nord dont j'évoquais la mémoire tout à l'heure, se battaient pour la journée de huit heures et pour la semaine de quarante heures. Il a fallu 1919 pour que ces droits élémentaires soient reconnus. Déjà à l'époque, il y avait des gens à la vie facile sans doute, qui disaient que ces travailleurs miniers étaient des paresseux qui voulaient se lever tard. Les mêmes à la vie facile sans doute qui en 1936, affirmaient que les congés payés allaient ruiner la France. Alors ce galimatias conservateur sans fondements économiques, a été démenti par l'histoire et c'est pour cela qu'aujourd'hui je veux une France active, une France réconciliée avec elle-même et qui n'en rabatte jamais sur la conquête des droits sociaux car je ne veux plus que l'on oppose l'effort humain et le travail des salariés au goût du risque des entrepreneurs."
A propos de mai 68:
"Alors que disait-il y a deux jours ? Que tout était la faute de mai 68. Mais quelle mouche l'a piqué car mai 68, c'était il y a quarante ans ! Tout semblait pourtant calme autour du Palais omnisport de Bercy. Mais à l'écouter, à l'intérieur, ce n'était que voitures fumantes, barricades, charges de police, délitement des valeurs, laxisme des mœurs, crise de l'autorité. La machine à remonter le temps avait été mise en marche à Paris-Bercy, on était en juin 1968. Mais moi je ne souhaite pas que la France parvienne à cet état de blocage pour préciser susciter comme en mai 68 des révoltes, des revendications, des grèves qui ont tout bloqué tout simplement parce que le pouvoir en place refusait d'écouter et refusait de redistribuer les richesses des Trente glorieuses que les salariés avaient construites. Et si lui rêve de connaître à nouveau un mai 68 pour y remettre de l'ordre, moi je veux au contraire en anticipant, en créant tous ensemble du dialogue, de la démocratie, du débat, des compromis sociaux, des convergences intelligentes, la France puisse avancer sans perdre son temps, sans être bloquée, sans dresser les Français les uns contre les autres, en un mot sans violence. Et voilà ce modèle que je vous propose : une France sans violence qui prend à bras le corps toutes ces énergies pour aller de l'avant dans la paix civile ! Car il y en a eu des dégâts dans les entreprises pour que finalement comme cela n'était que justice, les salaires furent augmentés, les syndicats dans l'entreprise furent reconnus, la gestion des universités fut modernisée, les libertés publiques furent élargies et les femmes eurent accès la contraception et à l'IVG ! Voilà ce que le pouvoir en place aurait dû donner et d'une certaine façon, c'est aujourd'hui, je le sens, je l'ai senti pendant ces dix-huit mois, ces longs mois de campagne électorale, d'une certaine façon, je le sens, il y a dans la France d'aujourd'hui une même forme de colère qui gronde, des frustrations, des incompréhensions, des millions de personnes qui ont le sentiment de ne compter pour rien et il est temps, il est plus que temps et notamment dans les quartiers délaissés où rien n'a été résolu, il est temps… il est plus que temps de réformer rapidement, sans brutaliser, avec intelligence, dans le dialogue ; et ce modèle-là, je suis la seule à vous le proposer. Je veux une France qui se réforme, je veux la paix civile dans mon pays car je sais que c'est possible. Et quarante ans après, quand j'entends le candidat de la droite en appeler à la majorité silencieuse, habileté qu'ont dû lui souffler les conseilles ex-soixante-huitards sans doute qui l'entourent : il veut sans doute redéfiler sur les Champs-Elysées mais le Palais Omnisport de Bercy, ce n'est pas la remontée des Champs-Elysées. DOC GYNECO, ce n'est pas André MALRAUX ! François MAURIAC, ce n'est pas Bernard TAPIE ! Et monsieur SARKOZY, ce n'est pas le Général de GAULLE ! Alors il faut garder son calme, son sang-froid et réformer la France avant qu'elle ne se soulève. La société d'alors voulait le dialogue et la participation, on lui a répondu par la force ; et que le candidat de la droite relise donc le Général de GAULLE ! Ce sont ses propres analyses et elles se situent – reconnaissons-le – à une autre altitude. Il a dit cela après avoir compris ce qui s'était passé. Il a dit cela… la société voulait le dialogue et la participation et on a voulu lui répondre par la force. Eh bien le voilà les modèles de société entre lesquels vous avez à choisir"
Cela faisait chaud au coeur de voir ce peuple rassemblé dans cette athmosphère enthousiaste et festive qui contrastait tellement avec les images venus du POPB deux jours auparavant.