La perte du 12eme canton: une vraie déception
Je n'ai jamais l'habitude d'utiliser la langue de bois. Je n'avais pas commenté le premier tour par choix. Mais là, je vous dois une analyse politique.
Nous avons perdu le 12eme canton. C'est une défaite politique. Laissons les rapaces déverser leurs propos haineux, ce n'est qu'un détail et essayons de comprendre la situation politique.
A gauche d'abord. L'électorat, de moins en moins traumatisé par la désunion au premier tour se reporte bien. les réflexes républicains jouent. L'analyse est difficile à faire pour les électeurs de l'extrème gauche mais le désistement de leur candidat a été impeccable. Il n'y a rien à dire.
Pour le Parti Communiste Français, il en est de même. Ils ont fait le choix d'une candidature isolée. Mis à part un ou deux commentaires désagréables, la campagne s'est passée de manière correcte et dans les bureaux ou le PCF est encore fort, le désistement a joué aussi à plein. Ce sont les bureaux où nous sommes en tête.
Gauche Autrement, c'est un peu plus compliqué quand on connait la base sur laquelle ce mouvement s'est construit. Cependant personne n'étant propriétaire de ses électeurs, une bonne partie s'est reportée sur nous. Je ne partage d'ailleurs pas l'analyse de son leader sur le résultat de Gauche Autrement du 1er tour. Il avait stigmatisé plusieurs bureaux en expliquant que le fait d'avoir présenté un candidat issu de la diversité l'avait handicapé. Je pense au contraire que Samy Cheniti a été un vrai candidat et a fait une bonne campagne (pas toujours fair play à mon égard mais c'est sa conscience que cela regarde). Il a impacté principalement sur 4 bureaux de vote où ses résultats sont étonnants. Je dis bien ses résultats parce que c'est sa personnalité qui a fait la différence. C'est le cache misère d'un mouvement qui n'a aucun débouché politique et dont l'influence va aller s'estompant. Il a entrainé le MODEM qui lui, est un mouvement politique vers le bas. Cela devra interpeller certainement les dirigeants du MODEM pour l'avenir.
Mais ceci n'est qu'une péripétie au regard du fond de l'analyse de ce scrutin.
Le résultat est loin d'être mauvais pour l'UMP qui reprend ce canton, mais ce n'est pas le laminage qu'ils avaient tant espéré. En approchant la barre des 41%, l'honneur des socialistes et plus collectivement de la gauche est sauf. Mieux, Estrosi ayant décidé d'en faire lui-même un test post-municipal, nous sommes dans la théorie du verre à moité vide et du verre à moitié plein. Il y voit un satisfecit. Certes. j'y vois un socle de plus de 40% de mécontents à partir duquel il faut travailler et rassembler davantage.
Pourtant la machine UMP a tourné à plein et avec elle le clientélisme. La culture du "qu'est ce que tu me donnes en échange" a fonctionné à bloc. Promesses d'appartements, promesses d'embauche, réalités d'embauche aussi (des CDD de 6 mois ont été réalisés, notamment dans les collèges). Qui peut blamer un jeune en galère d'accepter un CDD, pas moi en tout cas, même si cela fait mal de voir certains cèder à ces sirènes. La machine UMP a rationnellemnt exploité la détresse sociale de nombreuses familles. Et cela s'est surtout passé dans le territoire correspondant à 3 bureaux de vote ( le Turin, Bon Voyage, Roquebillière). Bilan, nous en avons gagné deux sur trois, malgré la présence constante de messieurs Laigle et Khaldi devant les bureaux de vote de l'école primaire Bon Voyage. Hier soir, Ciotti, au demeurant un garçon intelligent, devait se dire en contemplant ces résultats, "tout ça pour ça".
Les clefs de ce scrutin sont ailleurs.
D'abord dans les reports de droite. Là encore personne n'est propriétaire de ses électeurs et le 12eme n'est pas le 1er canton. Ce n'est pas une élection de réseaux. Sauf à la marge, les électeurs de droite ont voté à droite. Il existe une droite anti-estrosienne à Nice, elle représente environ 12%. Elle signifie son mécontentement au 1er tour, mais intellectuellement, elle n'est pas prête à voter à gauche contre Estrosi tout simplement parce qu'elle est une branche dure de la droite. C'est tout à fait l'inverse de l'autre partie de l'électorat de droite, l'électorat anti-Peyrat, qui lui, était capable de voter à gauche pour faire chuter cette droite. Là, le mécontentement vis à vis d'Estrosi n'est pas encore suffisant. Il faut attendre...
Ensuite dans la mobilisation des abstentionnistes. La droite a bien mobilisé dans ses bureaux forts, la participation augmente sensiblement (de 3 à 5 points). Mais nous ne sommes pas restés inactifs. Dans les bureaux du bas, la participation, aussi a augmenté ( de 1 à 3%). Ce sont ces abstentionnistes qui font qu'au final Frédérique dépasse les 40,7%.
Enfin, l'analyse des bureaux de vote du bas du canton vaut le détour. Ce sont les anciens quartiers traditionnels du PCF, l'endroit où, après 1983, le Front National, a construit son électorat populaire. En 2004, au bureau Pierre Sémard, par exemple, le FN faisait plus de 37% des voix. Pour l'instant, nous n'arrivons pas à récupérer cet électorat populaire que Sarkozy a réussi à fusionner avec celui de la droite au moment de l'élection présidentielle de 2007. Malgré l'échec économique et social du gouvernement, cette fusion tient toujours sur la question de la sécurité. Et là, un candidat qui est un ancien colonel de gendarmerie, c'est une petite merveille. Depuis 7 ans, Sarkozy a la main mise totale sur la politique en matière de sécurité. mais il continue régulièrement à employer le "il faut plus de...", un langage réservé en général à l'opposition. Lui il est au pouvoir et parle toujours comme un opposant. C'est sa force, c'est aussi son escroquerie politique. Combien de temps cela peut-il durer ? Impossible de le dire.
Tout le monde sait que les résultat en matière de lutte contre l'insécurité, et contre les incivilités ne sont pas bons. Mais en fait cet électorat se comporte comme s'il réclamait seulement à la droite une obligation de moyens...mais pas de résultats. Et pour les moyens, ils sont doués.
Un mot sur notre candidate Frédérique. Elle a été une très bonne candidate, courageuse, résistante, ouverte au dialogue, réactive aussi. Je n'aurai pas fait mieux qu'elle. Je lui ai apporté tout le soutien que je pouvais. Elle aime ces quartiers, cela je le ressens profondément. Parce qu'elle est tournée vers les gens tout simplement et qu'elle a une véritable empathie. Elle souhaite continuer à s'investir. Je l'encourage à le faire. dans les semaines qui viennent tout le monde va bien comprendre que je n'ai pas déménagé à Marseille comme certains l'ont cru! Et je vais l'aider, pour que dans 18 mois, elle soit encore mieux préparée, mieux implantée.
Enfin, un mot sur l'équipe de campagne. Sous la houlette de Fouzia qui a constamment su les motiver, ils ont été une dizaine à être vraiment incroyablement disponibles. Parfois dès 7h30 le matin, souvent jusque tard le soir. Jamais sur une cantonale, nous n'avons distribué autant de matériel. Il le fallait pour montrer que face à l'armada UMP, nous étions debout. C'est tout cela qui a fait que, pour une élection partielle, nous avons atteint un taux de participation de 32%, ce qui est beaucoup.
Merci à tous et à demain pour d'autres combats, d'autres défis. "Ce qu'il y a de beau en politique, c'est que le combat politique est le seul qui ne cesse jamais" a dit un jour , dans un congrès du PS, Henri Emmanuelli, qui n'est pourtant pas une de mes références. Mais ce jour-là, j'étais en profond accord avec lui et depuis les faits ne l'ont jamais démenti.